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La CHARTE <DOCUMENT LIBRE> ou l’obligation de la gratuité

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Droit et licences

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–  vendredi 25 juillet 2003, par Raphaël Rousseau

Une charte <Document Libre> du 16 Janvier 2003 nous propose une vision bien étroite de la liberté : celle de la simple gratuité.

Bien loin des rivages de la mouvance du Logiciel Libre, qui est à l’origine de licences relatives à des ouvrages littéraires ou des documentations de toute espèce (technique notamment), la charte <DOCUMENT LIBRE> proposée par l’association du même nom, restreint les libertés des écrits qu’elle régit.

Pour mémoire

Avec la GPL et le Copyleft, la FSF...

La fondation pour le logiciel libre, Free Software Foundation, a produit plusieurs licences d’utilisation de logiciels. Une nouvelle vision du logiciel, et plus largement de la création intellectuelle, naquit dans les années 80. La GPL, la Licence Publique Générale en est le fleuron, adoptée par une large part des développeurs de logiciels libres dans le monde. Les quatre libertés retenues par la FSF comme indispensables à la qualification de libre sont :
 la liberté d’utiliser le logiciel pour n’importe quel usage,
 la liberté d’étudier le logiciel,
 la liberté de modifier le logiciel,
 la liberté de redistribuer le logiciel.

La GPL ajoute une dimension supplémentaire à ces 4 libertés : le Copyleft : l’obligation qui est faite à toute personne ayant modifié le logiciel et voulant le redistribuer, de laisser les logiciels dérivés sous licence GPL.

Naturellement, ici nous en restons au niveau du logiciel... Malgré cet aspect, des individus sont séduits par cette vision de la liberté, qui sort de la sphère marchande sans pour autant la renier ou la diaboliser ; ils décident de mettre leurs productions non logicielles sous GPL, afin de garantir la pérennité de leur travail en laissant à quiconque la liberté d’en profiter et d’en faire profiter d’autres de manière non exclusive. La logique de collaboration peut ainsi proliférer, en évitant :
 les ornières de l’appropriation,
 et le flou de la publication sans mention de licence.

...fait des petits

Une licence destinée initialement à des logiciels ne sied pas sur tous les points aux contraintes liées à la production littéraire, ou plutôt majoritairement textuelle. C’est pourquoi la FSF a fini par produire une licence spécifiquement destinée à la documentation : la Free Documentation License, licence de documentation libre. Elle prend en compte des spécificités telles que :
 des parties invariantes que l’auteur initial désire ne pas laisser modifier par un tiers
 les couvertures (1e et 4e de couverture)

D’autres organisations se sont inspiré du mouvement du logiciel libre pour créer des licences d’utilisation de création intellectuelles qui sortent du champ du logiciel [1] :

 Les licences Creative Commons : http://creativecommons.org/
 La Licence Art Libre : http://artlibre.org/licence.php/lal.html
 La Design Science License (DSL) : http://dsl.org/copyleft/
 La licence Open Game : http://www.opengamingfoundation.org...
 La licence OR Magazine License : http://www.OpenResourceS.com/magazi...
 Le projet Open Book :
http://www.linuxworld.com/linuxworl...
 La licence October Open Game :
http://www.rpglibrary.org/oogl/oogl.htm

Cible manquée ou stratégie masquée ?

Si on lit les termes de la charte <Document Libre>, on se rend compte qu’elle a été conçue avec beaucoup de soin, ou plutôt on y reconnait la patte du juriste :
 les termes y sont soigneusement choisis, et définis préalablement ;
 la récurrence de termes droits et devoirs, ainsi que d’autres caractéristiques du champ lexical de la propriété intellectuelle, trahissent sa provenance.

Dans un récent article, j’ai lu qu’il s’agissait de Vincent Grynbaum, spécialisé en propriété intellectuelle et technologies de l’information. On ne peut donc pas croire que ce soit par ignorance que cet éminent juriste [2] n’ai pas fait le choix d’un des canons du genre.

Une des leçons du logiciel libre est que la multiplication des logiciels rend leurs maintenances respectives plus difficiles que celle d’un logiciel unique, bien conçu et convenant à bien des usages. En est-il vraiment différemment en matière de droit ? Si les licences comme la GPL ne sont pas officiellement traduites, n’est-ce pas pour éviter justement de maintenir une cohérence entre différentes moutures de cette licence ?

Une chose est sûre : certaines personnes auront toujours besoin de juristes spécialisés en propriété intellectuelle pour assurer la maintenance de leur licence, ce dont ils se seraient passé s’il avaient opté pour une licence plus standard.... On parle souvent de « réinventer la roue », en des termes péjoratifs.

Qui veut tirer la couverture à lui : l’expert en propriété intellectuelle ou l’association qui gère de manière exclusive la liberté des documents [3] ?

[1liste rapidement tirée de l’annauire DMOZ : à la rubrique ’’Computers > Open Source > Open Content > Licenses’’

[3Comme moi, vous aurez apprécié le paradoxe...

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