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Les informaticiens sont de grands enfants...

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Les utilisateurs et l’informatique

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–  dimanche 20 juin 2004, par JMP

Ouh là ! C’est quoi ce Libroscope vachement intello et tout et tout ! Je vais vous parler avec mes mots à moi de l’informatique libre. J’ai quand même eu mon Brevet des Collèges de justesse, bordel ! J’en ai quand même un peu dans le ciboulot ! Un gogol s’adresse aux gogols pour leur faire comprendre qu’il n’y a pas que Windows XP et les jeux vidéos dans la vie.

Ma première et unique rencontre nez à museau avec une vache restera à jamais gravée dans ma mémoire. Je savais que ces choses-là avaient des yeux, mais je ne savais pas qu’elles avaient aussi un regard. Un coup à vous rendre végétarien. C’est un peu ce que j’ai ressenti lorsque j’ai vu à quoi ressemblaient les vrais informaticiens. Jusque-là, je les imaginais enfermés dans une chambre de bonne, insomniaques, se nourrissant de pizzas et de coca colique, cherchant sans relâche à pirater le site de la Banque de France. Pas pour faire fortune. Juste pour l’exploit.

« PRESS PLAY AN THEN ANY KEY. »

Je suis venu au monde rocambolesque de l’informatique avec un Amstrad CPC 464 à cassette. Les programmes mettaient trois quarts d’heure à se charger pour aboutir à une ribambelle de messages abscons de type « syntax error », ou « read error B ». Mais je ne crache pas dans la soupe aux octets. Car je suis devenu quelqu’un de bien : champion d’Europe de football avec l’équipe du FC Bourges, sauveteur de jolies princesses prisonnières dans des châteaux infestés de fantômes, chasseur de zombies, fou du volant et multiple vainqueur de la Coupe Davis. L’informatique, utilisée à forte dose, peut vous forger une impressionnante personnalité d’autiste. Une belle issue de secours dans ce monde glauque et purulent.

Le premier informaticien que j’ai connu, c’était... mon frère. Des nuits blanches affalé sur son lit comme le Capitaine Haddock dans Tintin et Milou, cheveux ébouriffés, yeux révulsés... tout ça pour... inventer un jeu de golf sur sa calculatrice programmable ! Et dire que mes parents croyaient qu’il bossait comme un damné pour préparer son bac scientifique ! Par la suite, je l’ai vu progressivement transformer son vieil ordinateur 286 à 16Mhz avec 1Mo de mémoire (étendu à 2Mo) et disque dur de 40Mo, en avion à réaction, piquer des crises de nerfs pour installer des programmes récalcitrants et brailler façon Jean-Pierre Coffe : «  Windows, c’est de la m... ! »

C’est à ce moment que j’ai compris qu’il y avait dans le milieu de l’informatique, plusieurs « courants », un peu comme en politique. En gros, « les méchants », ce sont les gars de Microsoft avec leur Windows. Ils veulent faire de leur système d’exploitation un truc incontournable, un peu comme l’UMP avec son libéralisme sauvage. Et puis il y a « les gentils » qui sont aussi un peu méchants car ils ne veulent pas faire comme les autres en affirmant que leur Linux est quand même vachement mieux. Dans cette mouvance, il y a les « logiciels libres » qui peuvent se promener dans la rue, choisir leur utilisateur et décider de fonctionner ou pas, à la tête du client. Bon, ce n’est pas tout à fait juste. En fait, ils n’ont pas le droit de plantage. Sinon, ils se font charcuter en toute légalité le code source par des Einstein de l’informatique en furie.

Logiciels fashion

Si j’ai bien compris, on peut utiliser les « logiciels libres » comme bon nous semble, selon nos besoins. Pour peu que l’on soit sacrément calé en informatique. Car sans connaissance, pas de liberté. Le type qui comme moi regarde bêtement son phallus lorsqu’on lui parle de « kilobits » sera toujours une bête de somme, tout juste bonne à tirer la charrue et aller à l’abattoir, comme dirait mon ami Maxime Gorki. Certes, il y a la fameuse « communauté du libre ». Des gars aux pratiques sexuelles douteuses à base de « do it yourself ». Mais pour être accepté dans leur secte, il faut prouver que l’on est en possession d’un disque dur immaculé de logiciels censés faire de nous des êtres serviles.

Chez eux, c’est une véritable obsession. Juste une anecdote. Il y a quelques semaines, je faisais part à mon frère de la qualité d’un explorateur internet que j’avais récemment découvert, Avant Browser et que je trouvais personnellement bien meilleur que Mozilla. Sans même y avoir jeté un œil, il me répondait d’un air méprisant : «  mais c’est pas un logiciel libre ça !!!  ». Y aurait-il une forme de snobisme dans le logiciel libre ? Serait-ce une manière pour certains accros de l’informatique de se démarquer des autres un peu comme les adolescents en mal d’identité qui se font percer la langue ou qui adhérent au mouvement des jeunes Gaullistes ?

J’ai eu l’occasion de m’initier à ce fameux Linux. J’avais choisi une distribution Mandrake 8.2, dont j’avais lu dans une revue spécialisée qu’elle était parfaite pour les novices. L’installation s’est passée sans problème. Comme sous Windows, il fallait régulièrement cliquer sur « suivant » et « ok ». Mais au final, je me suis retrouvé comme une espèce de fétichiste : heureux possesseur d’une chose précieuse mais ne sachant qu’en faire. Comme un chimpanzé à qui on confierait une banane en or ou une Bernadette Chirac qui trouverait un gode géant au fond de son sac à main magique.

T’as reluqué mon éthique ?

Loin de moi cependant l’idée de penser que l’informatique libre est juste un truc « classe ». Je pense que le véritable intérêt pour des utilisateurs primaires dans mon genre qui veulent juste utiliser un logiciel qui fonctionne pour taper un texte, créer des boucles rythmiques, surfer sur internet pour mater des naines en plein orgasme ou discuter avec des pétasses, réside dans une appréhension humaniste de l’informatique. Un truc qui ressemble à une éthique. Et bien que j’en possède une grosse, celle-là m’interpelle car elle bouscule notre organisation sociétale à l’image du mouvement altermondialiste, des militants anti-pub et des amis de José Bové qui oeuvrent pour que nos vaches soient nourries avec du bon foin et que le Berry soit indépendant.

Fait nouveau, les informaticiens « libres » se démarquent en effet des autres en ce sens où ils semblent s’ouvrir sur le monde. Tenez, l’autre jour, en me rendant au Stade de France pour y assister à la finale de la Coupe de France PSG-Châteauroux (vraiment tarés ces hooligans castelroussins !), je me suis retrouvé au milieu d’une manif d’informaticiens. Je ne vous raconte pas les tronches. Mais j’ai été un peu étonné : y’avait quand même de la meuf. Moi qui croyais que le portrait robot de l’informaticien était un gros puceau qui se masturbe en reluquant grosnichons.com et en bouffant des chips, j’ai été frappé de constater que le monde de l’informatique n’était pas aussi masculin que cela. Ces informaticiens là avaient des idées dangereusement gauchistes et luttaient avec leurs petits poings serrés contre « la brevetabilité des logiciels » (ou un truc comme ça). C’est limite s’ils ne mangeaient pas bio. Saloperie de communistes écolos. En tête de manifestation, il y avait une floppée de drapeaux rouges et en queue, il y avait des banderoles qui n’auraient pas été reniées par Démocratie Libérale, sur lesquels il était proclamé - en anglais - le droit à la liberté d’entreprendre. Les informaticiens sont-ils libertaires ou libéraux ?

Bon, j’ai quand même le sentiment que chez eux, la « lutte sociale » est quelque chose de nouveau. Ainsi, j’ai observé que des manifestants d’April avaient omis de percer des trous dans leur banderole de fortune pour laisser passer le vent et éviter ainsi qu’elle ne parte en vrille. Et puis, il n’y avait pas beaucoup de slogans. Les deux ou trois keufs en mobylettes accompagnant la manif attestaient du côté gentillet des manifestants. Rien à voir avec ma première manif à Paris en tant que lycéen, où nous avions brûlé des arrêts de bus et jeté des poubelles sur les CRS et où je m’étais pris une bonne dose de lacrymo dans la gueule. C’était contre Lionel Jospin, qui était alors ministre de l’Education Nationale. Je ne l’ai jamais aimé ce gars-là.

Plaisanteries mises à part, je pense en tant que vulgaire utilisateur de base, qu’ils ont raison. Y’en a marre des systèmes d’exploitation lourds et coûteux qu’il faut activer par internet et dont il faut télécharger tous les quatre matins des patchs et autres correctifs aux contenus abscons mais dont on nous assure qu’ils sont indispensables. Marre aussi des logiciels à 1000 euros ou plus qui sont remplis de bugs. Et on s’étonne qu’il y a du piratage. Un exemple : Cubase SX, un séquenceur, qui est à la musique ce que Word est au traitement de texte. Ben même avec une éthique irréprochable, il est difficile de se le procurer en version originale, vu son prix. Tous les musiciens n’habitent pas dans les quartiers chics de Paris et ne votent pas à droite à l’image du dandy Thomas Fersen. Et comme ce programme est considéré comme un standard, l’artiste lambda est bien obligé de se le procurer d’une manière ou d’une autre pour faire ses petites salades auditives, même s’il préfèrerait sans doute un logiciel un peu moins boulimique et plus stable.

Mon truc, c’est le hard !

Autre point fort des adeptes de l’informatique libre : le hardware. Alors que la tendance actuelle s’oriente vers une course à la puissance, les alter-informaticiens sont capables au contraire de faire tourner n’importe quel logiciel sur un vieux Pentium 75Mhz, à vous faire tenir plusieurs gigas sur un disque dur d’à peine 500Mo et plein d’autres trucs que je n’imagine même pas encore. Même en ingurgitant deux ou trois pilules d’ecstasy simultanément. Il s’agit pour eux de tirer le maximum de leur matériel en élaborant les programmes les plus évolués qui utilisent le moins de ressources système possibles. Si l’on en croit le « marché » de l’informatique, un ordinateur est obsolète six mois après son achat. Dans le milieu du libre, la durée de vie d’un ordinateur peut atteindre dix ans.

Une sacrée leçon pour moi qui suis un vrai hardeur, tout émoustillé à la lecture de « PC Achat ou « PC Direct ». J’ai carrément la trique lorsque je découvre les photos de ventilateurs Papst à moins de 12 dB. Et je frotte frénétiquement ma troisième jambe en admirant les nouvelles alimentations silencieuses fanless à 0 dB. Oui, ça me fait vraiment une belle jambe de voir des boîtiers d’ordinateurs qui ressemblent aux devantures illuminées des sex-shop de Pigalle ou aux gyrophares des voitures de keufs qui me ramènent à la maison lorsque je suis bourré et que je n’ai plus un rond pour rentrer en taxi.

D’ailleurs, ma vie est de plus en plus dissolue. J’ai bien peur d’être atteint comme mon frère, du virus de « l’informatite aigue ». C’est ainsi que je me surprend depuis trois semaines à bidouiller n’importe quoi pour essayer pirater Canal + en qualité irréprochable sur mon ordinateur équipé d’une carte tuner TV... alors que je ne regarde habituellement quasiment pas la télévision ! J’ai également téléchargé et gravé en toute illégalité une ribambelle de logiciels crackés que je n’ai pas dû utiliser plus de deux minutes. Et je ne vous parle même pas des « commandes en ligne » faites au bout du monde alors que je pourrais trouver la même chose en bas de chez moi. Mon postier commence à me regarder d’un sale œil à force de grimper les étages les mains pleines de paquets aux formes les plus diverses et encombrantes. A ce propos, j’attends toujours mon « vagin artificiel » commandé il y a au moins douze heures sur un site russe. Le service public n’est plus ce qu’il était. L’informatique est en train de faire de moi un fétichiste monomaniaque doublé d’un assassin du petit commerce. Pour peu que l’on me colle responsable du déficit de la Sécurité sociale et de la hausse constante du chômage...

Notre ministre de l’inculture Peugeot Non de Dieu de Jacques Varbre s’est d’ailleurs fort justement lancé dans une croisade contre les criminels en informatique dans mon genre... histoire de faire oublier le problème du statut des intermittents. Qu’il se rassure : j’en ai vraiment ras le bol de la « France de Raffarin » et je songe sérieusement à m’exiler dans un pays lointain grâce à la mine d’infos récoltées sur le net. Mais ça, c’est une autre histoire...

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  • > Les informaticiens sont de grands enfants...
    29 mai 2006, par moi

    Regarde les étoiles , ca remet les choses à leurs places